À propos de l'exposition​

Dérivoïds est issu d’un cycle de travail pluriannuel dans lequel je m’interroge sur nos rapports aux lieux. Emmanuel Guy y postule que l’existence humaine est une expérience sculpturale. Où est-ce qu'il se place dans cet espace? Il s’aligne sur qui? Qu’est-ce qu'il y recueille? Qui est-ce qu'il évite? En tension entre déterminismes sociaux et agentivité individuelle, nous habitons les volumes et organisons l’espace. Pour ce projet, Emmanuel Guy a créé un dispositif permettant d’observer les relations entre spatialité et matérialité dans les gestes répétés du quotidien. Il est formé d’une multitude de sculptures modulaires en frêne cintré. Chacune reprend la forme d’un ancien carcan. Épurées, elles peuvent également évoquer un visage humain. L'artiste les déploie comme instruments de mesure qui réagissent à deux types de forces : l’habitat physique et le construit, puis les interactions sociales qui s’y produisent. Quand il les positionne dans un espace public, les sculptures individuelles se rapprochent et s’éloignent les unes des autres, à la manière d’oiseaux en vol au sein de leur murmuration. La figure ainsi créée révèle sa perception des forces qui structurent ce lieu à cet instant. En invitant ensuite les passants-es à les manipuler et les réorganiser, il détient un outil pour documenter l’expérience personnelle des lieux et de leur composition matérielle. La documentation (par images fixes ou courtes séquences vidéo) des manœuvres dans l’espace public s’ajoute au matériel qu'il agence à ses sculptures pour créer des installations en salle.

 

Son processus amalgame ainsi une série d’allers-retours entre les phases suivantes :

1. Construction en atelier de séries des sculptures modulaires. Leur fabrication valorise les techniques de l’ébénisterie traditionnelle : notamment le cintrage à la vapeur.

2. Manœuvre furtive et infiltrante dans l’espace public des éléments sculpturaux. Ils sont chargés de sens par le jeu des rencontres et le procédé de la dé/recontextualisation. Ces manœuvres se répètent dans plusieurs lieux et contextes différents y compris lors d’une résidence sur la Côte-Nord entre Baie-Comeau et Sept-Îles à l’été 2025.

3. Documentation par la photo, la vidéo et la cueillette de témoignages de la phase de manœuvre. Il obtient ici des instantanés révélateurs de la structuration de lieux spécifiques.

4. Un exercice d’écriture s’ajoute au processus : il compile une série de définitions poétisées et de citations notées au fil de ses recherches. Empruntant aux codes des sciences sociales, ce lexique offre dans l’installation une fenêtre sur son processus réflexif.

5. Création en salle d’exposition d’un parcours installatif proposant aux regardeurs.euses de revivre le processus de recherche artistique au contact des objets sculpturaux fabriqués, manœuvrés, et documentés. Sa mise en espace reflète elle-même la cueillette d’information durant la phase de manœuvre.

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À propos de l'artiste ​

Emmanuel Guy s’intéresse aux origines et aux transformations. Il questionne l’évolution des lieux et des gens qui y vivent. Territoires, changements sociaux et parcours de vie se télescopent, notamment à travers l’organisation de la production matérielle. La production des objets qui délimitent notre quotidien et meublent notre intimité. La production qui impose – ou qui offre – le travail. Le travail, comme levier de survivance économique autant qu’une machine à fantasmes de réussites. N’est-ce pas de là que naît un grand pan du rapport au territoire? On en tire des ressources, parfois on les épuise, mais plus souvent leur valeur change. Jusqu’à exiger qu’on se transporte d’un lieu vers un autre. Ces rapports complexes s’entremêlent dans des mouvements de va-et-vient, des inversions de direction dans le temps. Il est particulièrement fasciné par leurs dimensions paradoxales : ses œuvres abordent souvent l’évolution en portant le regard sur la résistance au changement. Cette recherche artistique se nourrit abondamment de ses travaux en transport maritime à l’Université du Québec à Rimouski.
 

Pour donner corps à ces interrogations, Emmanuel Guy travaille le bois. Il réalise des sculptures et des installations. Son processus privilégie l’emploi des outils manuels et des techniques traditionnelles: rabots, égoïnes ou vastringues accompagnent les machines-outils dans son atelier. Il apporte un soin particulier au choix du grain du bois employé pour appuyer le narratif de mes pièces. La même attention guide ses choix lorsqu'il y intègre des objets recontextualisés. De cette façon, la matière reste toujours une dimension fondamentale de l’œuvre finale. Et le processus du travail de cette matière également. Œuvre qui conserve alors nécessairement une dimension performative. Une dimension qu'il accentue en réalisant des sculptures pouvant être mises en mouvement regardeurs.euses ou encore dé-recontextualiser par l’artiste dans l’espace public. Ces manœuvres in situ éphémères servent à la cueillette de sensations qui informent ultérieurement ses choix de mise en espace en salle.

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Installé à Rimouski, Emmanuel Guy utilise les techniques de l’ébénisterie pour proposer des œuvres d’art actuel. Son travail puise principalement à la sculpture et à l’installation, en y ajoutant sporadiquement du performatif, de la photo-vidéo ou de l’imprimé. Sa production artistique est diffusée depuis 2011 dans plusieurs expositions collectives, notamment en collaboration avec le regroupement Voir à l’Est; le Musée du Bas-Saint-Laurent et le Centre d’artiste Caravansérail. Il compte cinq expositions solos à son dossier, entre autres chez AdMare aux Îles-de-la-Madeleine (2021), à Victoriaville au centre Atoll art actuel (2022) et au Centre d’exposition du Rift à Ville-Marie au Témiscamingue (2023). L’artiste et également professeur en transport maritime et politiques publiques à l’Université du Québec à Rimouski.

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